L’ Argentine est un pays immense et plein de diversité. Donc, après la Patagonie et ses glaciers au sud et la jungle au centre, nous nous rendons au nord-est dans les hautes montagnes. Deux jours pour un petit voyage dans les nuages.
En effet, notre objectif principal est le Train dans les Nuages, l’un des chemins de fer les plus élevés du monde qui culmine à 4 219 m d’altitude. Et pour compléter notre séjour, nous avons choisi d’aller aux Grandes Salines, un désert de sel également en altitude à 3 450 m.
Après avoir pris notre billet d’avion et réservé deux nuits à Salta, nous voilà partis.
La ville de Salta
Salta est la plus grande ville de la province de Salta avec environ 618 000 habitants.
Perchée à 1 152 m d’altitude, elle a été fondée en 1582 par le conquistador et tyran espagnol Hernando de Lerma comme avant-poste entre Lima au Pérou et Buenos Aires. Il la baptisa de son nom auquel il associa celui d’un saint — San Felipe de Lerma, vallée de Salta.
C’est à la suite d’une révolution populaire que le nom de Lerma disparut et que la ville devint tout simplement Salta.
Pourquoi le nom de Salta ?
Plusieurs hypothèses existent. Il pourrait s’agir d’une tribu indienne, les « Saltas » ; ou « salla ta » qui veut dire « lieu escarpé » ; ou « sagtay », « rencontre de l’exceptionnel » en quechua, ou encore « sagta », « très beau » en langue aymara. Il est vrai que la localité et ses environs sont magnifiques.
Notre programme du 1er jour – Le Train des Nuages
- Départ de Salta
- Pauses photos et visites en cours de route. Le village de Campo Quijano, le célèbre Viaducto del Toro et petit-déjeuner à Quebrada del Toro
- Arrivée à San Antonio de los Cobres – Tour en train jusqu’au Viaduc de La Polvorilla
- Retour à Salta
Nous sommes partis à 7 h du matin pour quatre heures de trajet le long des gorges du Toro, afin de rejoindre San Antonio de los Cobres où se trouve la gare du Train dans les Nuages.
Notre trajet, entrecoupé de pauses photo et de visite de marchés artisanaux a été finalement moins long que ce que j’avais imaginé.
Quebrada del Toro
C’est sur la place de ce village que nous avons savouré notre petit-déjeuner, et découvert l’histoire singulière de ce lieu très important pour la région.
Quand nous avons visité son église, j’ai été surprise d’y trouver un maillot de foot encadré. Mais comme les Argentins sont férus de ce sport, pourquoi pas ? Je pensais que Chifri était un joueur jusqu’à ce que je découvre qu’il s’agissait en fait du Père Chifri.
Ce prêtre est arrivé à Quebrada del Toro en 1999 afin de promouvoir la région et ses habitants. Il y créa alors plusieurs projets sociaux, comme le Centre Artisanal et le Collectif des Rêves, avant d’y bâtir la première école secondaire du secteur, Mountain Shelter. Un point stratégique situé à égale distance des 25 communautés des collines.
San Antonio de los Cobres
Nous sommes arrivés à San-Antonio de los Cobres en fin de matinée.
Le village est situé à 3 775 m d’altitude — nous avons déjà pris pas mal de hauteur depuis Salta.
Son nom vient de San Antonio, le saint protecteur des mules et des voyageurs — les premières n’ayant pas de lien avec les deuxièmes 😉 — et de la proche Sierra de Cobre ou Montagne de cuivre, qui est riche en ce minéral.
Nous sommes descendus du car pour nous mêler à la cohue des autres voyageurs déjà là. Après un slalom entre les vendeurs ambulants de vêtements chauds et de petits pains, nous avons atteint notre wagon pour embarquer.
Et c’est le départ pour l’aventure…
Le train dans les nuages – El tren a las nubes
Son histoire
La ligne de chemin de fer a été créée pour relier le nord de l’Argentine à la côte Chilienne à travers les Andes, afin de développer le commerce de la région.
Les deux difficultés majeures de ce projet furent le terrain accidenté et surtout les fortes dénivelées. Il fallait faire monter le train.
Après de nombreuses études menées entre 1889 et 1916, les ingénieurs adoptèrent le système de montée en zigzag. Il s’agit de construire la voie ferrée comme un Z. Les rames grimpent alors en faisant des allers-retours parallèles à la pente.
Sur une courte distance, la jambe médiane du Z, le sens de déplacement est inversé, avant que la direction d’origine ne reprenne.
La réalisation de la ligne commença en 1921 et dura jusqu’en 1948.
Comme l’impact commercial attendu n’a jamais été atteint, en 1972, la compagnie des chemins de fer argentins décida d’ouvrir l’itinéraire aux touristes. Un aller-retour de trois heures entre la gare de San Antonio de los Cobres et le viaduc de Polvorilla, à 4 220 m d’altitude.
Un voyage au milieu de paysages magnifiques quasi-désertiques.
Sur le trajet, nous avons tout d’abord découvert les anciennes sources chaudes des Termas de Pompeya. On peut voir au fond les restes d’un petit bassin abandonné. Les thermes étaient très connus dans les années cinquante, jusqu’à ce que les sources soient déviées par la mine de Concordia — que nous allons apercevoir plus loin — conduisant à la fermeture du site. Les eaux sulfureuses atteignaient alors des températures entre 35 et 52 degrés.
L’ancienne mine de Concordia était appelée « la mine d’argent du roi ». Fermée une première fois quand quinze ouvriers succombèrent lors d’une explosion, elle a été rouverte 90 ans plus tard sous le nom de « El Socavón de los Muertos« , le gouffre de la mort. Mais l’inondation des galeries a conduit à sa clôture définitive en 1986.
Au loin, nous apercevons le volcan Negro de Chorrillos qui couvre une surface d’environ 5,88 km2.
Et c’est l’arrivée au fameux viaduc de La Polvorilla
Parce que tout tourne autour de ce viaduc. D’ailleurs, l’arrivée sur celui-ci est digne d’un film de science-fiction. Nous avons eu droit à une musique genre « étape cruciale », et le train s’est mis au ralenti pour franchir le pont. D’ailleurs, si vous êtes attentifs, vous pouvez entendre la musique sur la vidéo !
Un moment unique. Drôle, mais unique.
Le viaduc en quelques chiffres
Il s’agit d’une structure à poutres en acier de 223,5 m de long, 63 m de haut, pesant 1 590 T et située à 4 200 m d’altitude. C’est l’un des ponts et tronçons ferroviaires les plus hauts du monde. Certains l’appellent le petit frère de la tour Eiffel, mais je n’ai pas retrouvé le lien !
Cela dit, la construction du viaduc a été un véritable tour de force.
En effet, afin de franchir un ravin qui se trouvait sur le tracé du chemin de fer, deux solutions se sont présentées. Faire un détour de 18 km pour ne pas perdre l’altitude déjà gagnée, ou édifier un viaduc devant répondre à plusieurs critères. Les rails devaient être sur une rampe montante et la section devait être courbe et inclinée.
D’où la réalisation de six tronçons de 14 m de longueur et sept de 20 m, appuyés sur six pieux en acier avec une base en pierre.
Pourquoi le train dans les nuages ?
C’est vrai que l’on est en altitude et que les montagnes sont souvent dans les nuages. Mais ce ne sont pas de ceux-ci dont on parle…
Tout est parti du projet de deux caméramans de Tucuman, une ville plus au sud. Dans les années 1960, avant l’exploitation touristique, ils tournèrent un documentaire sur le train.
Lorsqu’ils arrivèrent au viaduc de La Polvorilla, la locomotive relâcha un jet de vapeur. En raison de la basse température extérieure, il flotta quelques instants dans l’air avant de se dissiper. Le journaliste commentateur du film, attiré par cette fumée embrassant la rame, a baptisé son documentaire « le train dans les nuages » — titre repris par la compagnie de chemin de fer.
Après un aller-retour sur le viaduc, nous nous sommes arrêtés et sommes descendus du train pour une petite pause photo.
Sans aucun doute, nous étions attendus.
Quel bonheur de savourer les petits pains plats fourrés jambon/fromage et cuits sur un barbecue — dont je ne me lasserais jamais — dans un si bel environnement !
Après ce petit snack, il était temps de repartir. Sur le retour, nous nous sommes arrêtés pour le déjeuner à San Antonio de los Cobres avant de repartir pour Salta.
Notre programme du 2ème jour
- Départ de Salta – Traversée des gorges du Rio Grande
- Arrêt aux abords de Purmamarca à la Colline aux sept Couleurs
- Montée des gorges de Humahuaca pour rejoindre les Grandes Salines — las Salinas Grandes
- Retour à Salta avec arrêt au centre du village de Purmamarca pour le déjeuner et découverte d’autres collines colorées
La Colline aux sept Couleurs – Cerro de los Siete Colores
Une autre merveille de la nature. C’est surprenant de voir ces sept couleurs, vraiment distinctes les unes des autres. La grande montagne verte est tout aussi incroyable.
Ce sont les minéraux contenus dans la roche qui provoquent ce phénomène.
Voici quelques exemples de quel minéral fait quelle couleur :
- Rose — argile rouge, boue et sable.
- Blanc — substances riches en carbonates de calcium.
- Rouge — argiles rouge.
- Vert et bleu — composé de phyllites et de plusieurs argiles riches en ferromagnésien.
- Brun — roche et magnésium.
- Jaune — sulfure de fer.
Mais si l’explication scientifique est une chose sûre, moi je préfère les histoires et les légendes. Celle de Purmamarca est d’ailleurs toute mignonne.
Car ici, les couleurs n’ont rien à voir avec ces minéraux. Elles viennent de l’obstination des enfants.
Lorsque le village a été créé au pied de la colline, celle-ci était unie, la rendant aussi terne que n’importe quelle autre montagne.
Les jeunes de Purmamarca trouvaient cela trop triste et inacceptable. Même si les adultes leur expliquèrent que c’était normal, ils refusèrent cette idée et décidèrent d’agir.
Ils élaborèrent alors un plan pour y remédier.
Chaque nuit, ils sortaient discrètement de leur chambre et chaque matin, les parents se réveillaient avec une surprise ; une nouvelle nuance ajoutée à la colline.
Ainsi, le septième jour, afin de comprendre ce qui se passait, les adultes se levèrent dans la nuit et constatèrent la disparition des enfants. Paniqués, ils commencèrent à les chercher partout jusqu’à ce qu’ils les voient dévaler la colline en riant et en jouant, portant leurs pots de peinture.
Depuis ce temps-là, la colline est entièrement recouverte des sept couleurs que les enfants y ont peintes.
Les gorges d’Humahuaca
La première partie de la route s’est passée sans problème. Après un arrêt pour admirer la Colline aux sept Couleurs, nous sommes repartis en direction des Grandes Salines.
Notre guide nous avait conseillé d’acheter des feuilles de coca si nous appréhendions l’altitude.
Nous nous sommes donc exécutés pour le fun.
Bien sûr, de retour dans le bus, nous avons déchiré frénétiquement le sachet et nous sommes jetés sur son contenu. Nous en avons pris une pleine bouchée que nous avons mâchouillée allègrement. Et c’est quand nous avions la bouche pleine que notre guide nous a dit qu’on ne devait pas les mastiquer…
C’est vrai que ce n’est absolument pas bon !
En fait, il faut en faire un petit paquet que l’on bloque entre la joue et la gencive, et qui se diffuse lentement. C’est beaucoup moins fort ! Cela dit, par la suite, nous allons découvrir que ses feuilles sont consommées différemment dans chaque pays d’Amérique du Sud.
Le temps de se débarrasser des résidus d’herbe coincés dans notre bouche et de les remplacer par notre petit paquet, le bus a attaqué la montée. La route était abrupte, et nous avons pris très rapidement de la hauteur, et avec ça le mal de tête a commencé… Je ne sais pas si c’est grâce au coca, mais ce sera le seul effet de l’altitude sur moi — pas de nausées. Mais cette migraine m’a suivie chaque fois que nous avons franchi un certain cap.
La vue était tellement impressionnante et le paysage si différent de celui que nous venions de quitter. Le fait d’être si haut change complètement la nature. La végétation disparait, à part quelques arbustes ou des buissons ras.
Les Grandes Salines
Après un trajet inoubliable, nous sommes arrivés à l’attraction vedette de la journée, les Grandes Salines, une étendue impressionnante de sel d’un blanc étincelant.
Situées à environ 3350 m d’altitude, les Grandes Salines sont le troisième plus grand désert de sel d’Amérique du Sud, après ceux du Salar de Uyuni en Bolivie et du Salar de Arizaro lui aussi en Argentine.
Il s’agit d’un lac qui s’est asséché après l’époque glaciaire, pour se transformer en une croûte de sel de 525 km². C’est grâce aux volcans des alentours et à la pluie qui ruisselle le long de leurs flancs que la couche de sel se renouvelle.
Nous sommes ici sur le territoire ancestral des peuples Kolla et Atacama. Ces salines représentent leur vie, leur culture et leur histoire. Elles leur fournissent l’eau et le sel, les ressources essentielles à la subsistance des 6 500 personnes vivant encore dans cette région.
Un désert de sel qui s’étend à l’infini, et qui altère notre vision. On a l’impression que notre regard se perd. Il n’y a aucun repère et notre perspective est complètement faussée.
D’ailleurs, une des activités vedettes de l’endroit est de prendre des photos complètement décalées. En fait, il s’agit plus de se faire prendre en photo. Une fois l’entrée payée, une pléiade de “guides” vous propose de vous photographier en jouant sur les perspectives.
Sur certaines poses, je me tiens juste derrière mon mari, et sur la photo, je deviens une Lilliputienne retenue par Gulliver. Incroyable ! Et il est très facile de réaliser des photos sympas par soi-même. J’en ai des dizaines.
Le sel
On trouve plusieurs qualités de sel. La meilleure est celle collectée directement dans des piscines d’eau turquoise creusées artificiellement. Ensuite vient le sel récolté à la surface du désert et la troisième est issue des blocs de sel extraits plus en profondeur.
C’est d’ailleurs à partir de ceux-ci que sont créés les statuettes et autres objets artisanaux vendus dans le petit marché à l’entrée du site.
Le village de Purmamarca
Purmamarca est surtout célèbre pour son marché artisanal quotidien et sa toile de fond spectaculaire. Une petite balade qui part du centre du village permet de découvrir un paysage féerique.
C’est en nous rendant au point de vue des collines, que nous avons découverts ce « bûcher ». Il a été construit pour la fête du solstice d’été, un hommage au soleil.
Si les grands feux de joie allumés depuis la nuit des temps avaient beaucoup de signification auparavant, aujourd’hui ils sont devenus une nuit de fête populaire de la jeunesse. Un peu comme nos feux de la Saint-Jean !
C’est après une marche de 15 min que nous avons découvert cette vue sublime.
Nous avons pris le temps de nous asseoir pour admirer le spectacle. La légende prend ici tout son sens. On dirait vraiment un dessin d’enfant avec des couleurs irréelles.
Quelques photos plus tard, nous sommes repartis en direction de notre bus. Il était l’heure de regagner Salta.
Le mot de la fin
Nous sommes très loin ici des paysages de montagne de Patagonie ou de la jungle d’Iguazu.
En effet, culturellement, le nord-ouest de l’Argentine ressemble davantage à ses voisins, la Bolivie et le Pérou. C’est le pays des Andes, des vallées arides dominées par des montagnes décharnées et des collines colorées, et également le paradis des cactus.
C’est cet ensemble qui nous donne parfois l’impression d’être sur une autre planète.
Nous avons parcouru beaucoup de kilomètres sur ces deux jours, souvent sur des routes sinueuses. Nous avons longé des rivières, suivi la ligne de chemin de fer au fond de la vallée, emprunté des cols escarpés pour franchir des sommets, traversé les déserts. Mais ces longues heures passées dans le bus s’évaporaient de mon esprit dès que nous arrivions à destination.
Sans aucun doute, la magie des lieux !
Une petite note drôle pour finir.
Lors du retour en bus, mon voisin a demandé innocemment — ou pas — s’il était possible de rapporter des feuilles de coca dans nos valises… et bien non. Notre guide nous a expliqué que si en Amérique du Sud, ce remède était reconnu, ce n’était pas le cas dans tous les pays !