Brésil – La Favela Rocinha à Rio de Janeiro

Les favelas étaient à l’origine des bidonvilles situés à la périphérie des grandes villes du Brésil, en particulier Rio de Janeiro et São Paulo.

La plus ancienne de Rio, Providência, a été créée en 1897, moins de 10 ans après l’abolition de l’esclavage et abritait les esclaves libérés. Mais c’est l’exode rural des années 1940 aux années 1970 qui a contribué au développement rapide de ces cités.
Les migrants pauvres et confrontés aux prix exorbitants des logements dans les centres-ville n’eurent pas d’autres recours que de squatter les terres aux alentours des agglomérations. Le bois et de torchis des premières constructions est aujourd’hui remplacé par des parpaings et de la tôle, chaque génération ayant œuvré à l’amélioration de leur bien.

Face à leur essor rapide, une politique d’éradication des favelas est votée en 1960. L’idée était de créer des logements sociaux avec des réseaux d’égouts, de distribution d’eau et d’électricité pour reloger les gens dans de meilleures conditions. Un autre but caché était de les éloigner du centre-ville.

La « Cité de Dieu »

C’est ainsi qu’est née la « Cité de Dieu », devenue tristement célèbre à cause du film qui porte son nom. Ce qui aurait pu être une bonne idée s’est transformé en fiasco. Le manque d’entretien et les mauvaises conditions de vie en font en 1980 une plaque tournante du trafic de drogue et d’armes. La rivalité entre les différentes bandes qui revendiquent son contrôle la rend dangereuse. La violence et les crimes n’ont plus de limites. Rio se désintéresse alors complètement de ce qui s’y passe.

Un programme d’amélioration est lancé

Mais l’essor des favelas continue et la municipalité doit réagir. Comme déplacer les gens n’est plus envisageable, un programme d’amélioration des favelas est lancé en 1994. Il s’agit enfin de reconnaître l’existence de ces lieux de vie, de les rendre salubres, en développant les réseaux d’égout, de distribution et d’assainissement, et de les moderniser. Des établissements de santé pour enfants et des centres informatiques sont mis en place, les routes goudronnées, les habitants formés aux règles d’hygiène, et finalement, des titres de propriété sont créés.

Les titres de propriété

Car c’est une des particularités des favelas encore aujourd’hui. Il n’existe pas de titres de propriété, l’ensemble ayant été construit illégalement.
Les habitants ne peuvent donc pas prouver qu’ils sont propriétaires pour avoir accès aux aides gouvernementales liées à la propriété. Toutes les transactions immobilières sont informelles et se passent généralement entre individus de la collectivité. 
Cette situation les rend aussi plus vulnérables lorsque leur bien est menacé par des milices ou des promoteurs locaux. Dans ces cas là, leur seul recours pour se protéger sont les organisations communautaires ou les milices.

L’autre particularité des favelas est que de ce fait, personne ne paie de taxes sur les logements.

La pacification des favelas

En 2008, le gouvernement crée une brigade de police, l’UPP, l’unité de police pour la pacification. Son but était de rendre Rio sûre pour les JO de 2016, en reprenant le contrôle des favelas. Si des affrontements sanglants ont éclaté au début, le calme est revenu, et gendarmes et dealers cohabitent ensemble.

Un million cinq cent mille personnes logent dans les 1000 favelas, soit 24 % de la population totale de Rio. Ce qui est le même modèle que dans les grandes agglomérations mondiales, où environ 25 % des habitants vivent dans des appartements sociaux à loyer réduit.

La Favela de Rocinha, littéralement la petite ferme

Cette favela est la plus grande des alentours de Rio de Janeiro.
Deux cent mille personnes vivent ici sur une superficie de 2 km2, ce qui donne une idée de la promiscuité qui règne dans cette cité.

Avant de venir à Rio, je n’avais absolument pas pensé que ce type de tour pouvait exister. Quand je l’ai découvert, je n’ai pas été attirée de prime abord par le côté voyeuriste qu’il pourrait prendre. Deux choses m’ont décidée. Le guide habitait la favela depuis toujours et une partie du prix du billet serait utilisée pour aider cette communauté.

Je ne regrette pas mon choix, car j’ai beaucoup appris.

Notre visite

La rue principale
Le mur de son pour la soirée du carnaval !

Je sais que nous n’avons vu que sa plus belle face, que certainement le quotidien doit y être plus difficile qu’ailleurs. Mais le pays a vraiment oeuvré pour y apporter de meilleures conditions de vies.

Comme toutes les favelas, elle est construite sur une colline escarpée surplombant Rio de Janeiro.

Une vue sur Rio, la plage de Leblon

Nous sommes restés dans le quartier le plus animé, avec sa rue principale, ses commerces, et ses innombrables motos-taxis. C’est le moyen de locomotion majeur des habitants, une alternative aux mini bus qui desservent également la favela.

Aujourd’hui, presque toutes les maisons de Rocinha sont en béton et en briques. Certains bâtiments ont trois ou quatre étages et presque toutes les habitations disposent d’installations sanitaires, de plomberie et d’électricité de base.

La vie dans les favelas s’est développée comme partout. Une grande variété d’entreprises et de magasins et de restaurants, d’organisation religieuse, d’écoles et d’hôpitaux existent et répondent aux besoins de la communauté.

La première église

Même si j’ai été agréablement surprise par cette visite, si on met vraiment en relief les faits, ce qui peut sembler « normal » ici est finalement très loin de ma réalité.

Car, qui dirige les favelas ?

Le plus improbable pour moi, c’est que la favela est toujours dirigée par deux barons de la drogue.

Notre guide nous en a parlé d’une façon naturelle, sans appréhension ni animosité. C’est une réalité et c’est leur vie. Quand nous avons fait notre tour dans la favela, il nous a encouragés à prendre des photos, sauf sur une petite place où peuvent avoir lieu des échanges illégaux. Il a reconnu que pour le bien être de ses habitants, les deux riches dealers avaient décidé de vivre en paix et de rendre l’endroit sûr. Ils ont même un pacte tacite qui leur permet de cohabiter avec les unités UPP.
D’ailleurs, toujours d’après notre accompagnateur, les gens préféraient gérer leurs affaires entre eux en s’appuyant sur les deux leaders, plutôt que d’appeler la police.

Notre visite en image

Nous avons déambulé dans les ruelles étroites qui serpentent entre les habitations.

Notre guide nous a répété plusieurs fois qu’il était très fier de sa favela, et qu’il n’envisageait pas de la quitter. Et je pense que c’est le cas pour la grande majorité qui aurait du mal à vivre ailleurs. La communauté, la culture, la proximité, le fait d’appartenir à un endroit est vraiment ancré dans leur vie. Beaucoup y sont nés et savent qu’ils vont y mourir. Tout le monde dans le quartier se connait, s’entraide et veille les uns sur les autres. On est loin des règles urbaine où chacun est égoïste, et où souvent on ignore ses voisins.

L’évolution du niveau de vie

Pour finir, si en 2001 60 % des habitants appartenaient à la classe inférieure et 37 % à la classe moyenne, en 2013 les chiffres se sont inversés. Plus de 65 % des habitants appartenaient à la classe moyenne. Une forte augmentation du salaire moyen !

Petits faits piochés au cours de la visite

Les impacts de balles sur la façade de l’église

L’histoire est simple et courte. Lorsque deux membres d’une bande sont sortis ivres de l’église, ils ont vu les policiers et leur ont tiré dessus. Ces derniers ont bien sûr riposté.
L’échange s’est arrêté rapidement, ne faisant aucun blessé. Les attaquants n’ont pas été sanctionnés par la gendarmerie, mais par leur chef de clan. Car il existe une règle qui interdit de s’en prendre à la police sans motif reconnu.

La distribution du courrier

Comme il n’existe pas de titre de propriété, personne n’a d’adresse postale. Ainsi, pour recevoir son courrier, les habitants donnent l’adresse d’une structure officielle dans leur voisinage, comme un magasin. Ce qui fait que beaucoup de monde a la même adresse.

Les lettres recueillies sont ensuite mises dans une boite dans la rue et chacun vient récupérer les siennes.
Petite anecdote, le fond de la boite était rempli de factures !

Les branchements électriques

Ils restent aléatoires. Chacun se branche un peu comme il peut, et paie donc très peu cher. En cas de problème avec le réseau, les techniciens interviennent cependant.
Notre guide nous a expliqués que pour plus de tranquillité, il avait tiré deux câbles d’alimentation pour son électricité !

La distribution d’eau

La nouvelle pompe qui alimente les reservoirs

Le problème majeur est l’eau, et le rêve des habitants seraient d’avoir l’eau courante.

Aujourd’hui, chacun doit aller chercher son eau dans des réservoirs disséminés dans la cité. Ces derniers sont alimentés grâce à une énorme pompe, qui capte l’eau de Rio et la monte dans les collines.

C’est sans doute le bâtiment le plus important de la favela.

Le mot de la fin

La plus improbable des visites, et pourtant un des points forts de mon séjour à Rio. Nous entendons tellement d’anecdotes sur ces favelas, des récits effrayants, qu’il est difficile de penser à cette belle ville sans revoir dans notre tête les images du film la Citée de Dieu.

Cette visite a remis les choses en place pour moi, et même si, peut-être, tout n’est pas aussi rose que nous l’a décrit notre guide, la situation des favelas a beaucoup évolué dans le bon sens. En tout cas, notre guide a tout fait pour que nous le quittions sur une note positive. C’est gagné pour moi !

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